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La rencontre amoureuse : au-delà du hasard, l'art de la co-création

  • Photo du rédacteur: Ilana Bensimon
    Ilana Bensimon
  • 25 avr.
  • 15 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 avr.

Points essentiels

  • La rencontre amoureuse n'est pas qu'un miracle du hasard, mais résulte d'une équation où notre préparation intérieure joue un rôle crucial : Chance = Opportunité × Préparation.

  • Plutôt que de chercher une personne avec des attributs spécifiques, concentrons-nous sur le type d'interaction que nous souhaitons vivre dans notre relation.

  • L'amour durable se construit comme un espace de co-création où deux personnes façonnent ensemble une expérience unique qui les épanouit mutuellement.

  • L'intention est le juste milieu entre une vision trop rigide du partenaire idéal et une absence totale de direction dans notre vie amoureuse.

  • Savoir distinguer les véritables incompatibilités (non négociables) des simples complexités (qui peuvent enrichir la relation) est une compétence relationnelle essentielle.

  • Notre tâche première n'est pas de chercher l'amour à l'extérieur, mais de lever les obstacles intérieurs que nous avons construits contre lui.

  • La vraie rencontre n'est pas celle qui nous traverse par hasard, mais celle que nous choisissons consciemment d'habiter et de faire grandir.


On lit souvent que la rencontre amoureuse relève du mystère, de la chance, d'une grâce qui nous tombe dessus quand on s'y attend le moins. Cette vision, popularisée par de nombreux auteurs, dont récemment Charles Pépin, présente l'amour comme une révélation presque magique, un événement qui nous arrive plus qu'une expérience que nous construisons.


Cette perspective a certes sa part de vérité – qui n'a pas ressenti cette impression de miracle lors d'une rencontre marquante ? Mais elle me semble incomplète, voire problématique dans sa passivité. Elle nous place en spectateurs de notre vie amoureuse, en attente d'une rencontre providentielle qui transformerait tout.


Et si nous repensions la rencontre amoureuse non comme un miracle capricieux du destin, mais comme une équation plus subtile ? Une équation où le hasard joue son rôle en nous offrant des opportunités, mais où notre préparation intérieure et notre capacité d'action sont tout aussi déterminantes.


C’est la fameuse équation : Chance = Opportunité × Préparation.

Cette formule, souvent citée dans le monde de l'entrepreneuriat, s'applique avec une précision surprenante au domaine amoureux.


I. Au-delà du hasard : l'équation de la rencontre
L'opportunité : la part du monde extérieur

L'opportunité représente la part du hasard, cette confluence de circonstances qui nous amène à croiser la route de quelqu'un. C'est le collègue rencontré lors d'un nouveau poste, l'ami d'ami croisé lors d'une soirée, la personne assise à côté de nous lors d'un voyage.


Mais l'opportunité va au-delà de la simple coïncidence spatiale et temporelle. L’opportunité, c’est croiser la route de quelqu’un qui éveille en nous l’envie de nous dévoiler authentiquement, et qui semble suffisamment sûr et réceptif pour accueillir cette vérité.

Pas forcément parfait, mais assez présent, assez engagé, assez ouvert pour que le lien ait un espace pour se développer.


Quelqu’un qui donne envie de dire :

Ici, je peux essayer d’aimer sans me contracter, sans me trahir.


C'est ici qu'intervient le second terme de l'équation : notre préparation intérieure.


La préparation : notre disponibilité intérieure

Sans elle, même la plus belle opportunité peut passer inaperçue ou être mal interprétée.


Cette préparation se manifeste à plusieurs niveaux :

  • Émotionnel : Sommes-nous prêts à accueillir l'amour ou sommes-nous encore entravés par des blessures du passé ?

  • Cognitif : Quels filtres mentaux, croyances et attentes influencent notre perception des autres ?

  • Énergétique : Avons-nous l'énergie disponible nécessaire pour une rencontre, et quelle présence apportons-nous lors de ces rencontres ?


Si notre système nerveux n'est pas préparé pour l'intimité, la stabilité ou la profondeur, il nous protégera de ce qu'il considère comme une menace. Il nous incitera à saboter ce qui dépasse sa capacité de tolérance. Et il nous orientera, parfois de manière inconsciente, vers ce qui nous paraît plus "simple" ou familier, même si cela ne nous apportera pas de véritable épanouissement.


On n'attire pas uniquement ce que l'on désire — on attire ce à quoi l'on est prêt à vivre.


L'agency : de spectateurs à acteurs

Reconnaître cette équation, c'est reprendre notre pouvoir d'action. C'est passer du statut de spectateur passif, attendant que l'amour nous tombe dessus, à celui d'acteur conscient de notre vie amoureuse.


Cette agency se manifeste concrètement par :

  • Le travail sur nos blessures et nos patterns relationnels

  • L'exploration et la clarification de nos besoins et désirs véritables

  • La création intentionnelle d'occasions de rencontres alignées avec nos valeurs

  • Le développement de notre discernement pour reconnaître les opportunités authentiques


Contrairement à ce que pourrait suggérer une vision romantique traditionnelle, cette approche plus active et consciente n'enlève rien à la magie de la rencontre. Elle la rend simplement plus probable et plus durable.

Car la véritable magie ne réside peut-être pas dans l'apparition soudaine et inexplicable de l'amour, mais dans notre capacité à le reconnaître quand il se présente et à lui offrir un terrain fertile pour s'épanouir.



II. De la liste de critères à la vision d'interactions désirées

Nous abordons souvent la recherche amoureuse armés d'une liste de qualités que devrait posséder notre partenaire idéal. Grand ou brun, extraverti ou introverti, ambitieux ou zen, passionné de voyages ou amateur de ciné... Cette approche, bien que naturelle, mérite d'être questionnée.


Se focaliser sur les attributs nous enferme dans une posture d’évaluation constante — comme si nous cochions des cases sur une liste —, nous empêchant parfois d'être véritablement présents à la personne en face de nous. De plus, une compatibilité sur le papier ne garantit en rien l’alchimie relationnelle au quotidien.


Surtout, cette méthode nous maintient passifs, dans l’attente d’une rencontre providentielle, plutôt que dans une démarche active de construction relationnelle.


Reformuler en termes d'interactions souhaitées

Et si, au lieu de définir la personne que nous cherchons, nous clarifions les expériences relationnelles que nous désirons vivre ?


  • "Je veux quelqu'un de drôle" devient "Je souhaite vivre une relation où l'humour et la légèreté ont leur place chaque jour"

  • "Je cherche une personne cultivée" devient "J'aspire à partager des conversations stimulantes qui nourrissent ma curiosité"

  • "Je désire quelqu'un d'affectueux" se transforme en "Je veux expérimenter une intimité où la tendresse s'exprime librement et naturellement"


La question n’est plus “Que doit être l’autre ?”, mais :

“Que souhaitons-nous créer ensemble, et que sommes-nous prêts à nourrir nous-mêmes?”


Ce changement de regard nous responsabilise :

  1. Elle nous engage personnellement : Si je souhaite une relation où la communication est ouverte et honnête, je dois moi-même cultiver cette honnêteté et cette ouverture.

  2. Elle nous invite à l'introspection : Quelles expériences relationnelles me nourrissent vraiment ? Dans quel type d'interactions est-ce que je me sens pleinement moi-même?

  3. Elle nous place en position de co-créateur : La qualité d'une relation ne dépend pas uniquement de l'autre mais de ce que nous construisons ensemble.


Un élargissement de notre perspective

En définissant ce que nous souhaitons vivre plutôt que qui nous voulons rencontrer, nous restons ouverts aux surprises.

Une personne qui ne correspond pas à nos critères préétablis peut pourtant offrir exactement ce que notre cœur cherche à expérimenter.


Peut-être avons-nous toujours imaginé un partenaire extraverti, mais découvrons qu'une personne plus réservée crée avec nous un espace d'intimité profonde qui nous permet de nous ouvrir. Ou peut-être pensions-nous avoir besoin de quelqu'un de très semblable à nous, pour réaliser que la complémentarité avec quelqu'un de différent génère une dynamique plus riche.


Cette vision transforme notre quête amoureuse : nous ne sommes plus à la recherche d'une personne qui existe quelque part et qu'il faudrait trouver, mais d'une relation vivante que nous allons activement contribuer à créer.


Vers une clarté intérieure

Reformuler nos attentes en termes d'interactions désirées nous ouvre à de nouvelles possibilités, mais soulève également des questions plus profondes :

Sommes-nous véritablement capables d'incarner ces interactions que nous recherchons ?

Et comment naviguer dans cet espace élargi sans nous perdre ?


Pour cela, il nous faut plus qu'une simple envie.

Il nous faut une clarté intérieure. Une aptitude à discerner ce que l'on est réellement destiné à vivre — au-delà des échos de nos manques ou des projections de nos blessures.


III. La clarté intérieure et l'intention
L'incarnation des interactions désirées : devenir ce que nous cherchons

Clarifier ce que nous voulons vivre est essentiel: savoir ce que l'on souhaite vivre, ce qu'on est prêt à offrir, ce qu'on n'est plus prêt à sacrifier.


Mais cette clarté n’a de valeur que si nous sommes également capables d’incarner les expériences relationnelles que nous appelons.

Car il ne suffit pas de vouloir un amour tendre et profond, encore faut-il être prêt à accueillir la tendresse et assumer la profondeur, sans fuir au premier inconfort.


Nos contradictions se manifestent dans de nombreux domaines :

  • On peut dire qu'on veut quelqu'un de généreux, mais ne pas savoir recevoir sans gêne ni culpabilité

  • On peut chercher un partenaire avec du leadership, mais ne pas savoir relâcher le contrôle ou faire confiance à l'autre

  • On peut rêver de proximité affective tout en se dérobant dès que le lien devient réel


Ces contradictions invisibles ne sont pas des fautes, mais des invitations à grandir pour devenir soi-même un partenaire capable d'habiter l'amour que l'on désire.


L'intention : naviguer avec une direction souple

La question de la rencontre amoureuse nous place souvent face à un apparent paradoxe : faut-il avoir une vision précise de ce que nous cherchons, ou laisser le hasard opérer complètement ? La vérité se situe probablement dans un entre-deux subtil : l'intention.


Avoir une intention, c'est disposer d'une direction sans s'enfermer dans un plan rigide. C'est naviguer avec une boussole plutôt qu'avec une carte détaillée. La boussole nous indique une orientation générale sans prescrire le chemin exact, nous permettant d'explorer différents sentiers tout en gardant le cap.


Les pièges de la rigidité sont nombreux : filtre perceptif qui nous fait passer à côté de rencontres précieuses, pression excessive sur l'autre qui doit se conformer à notre image préconçue, peu d'espace laissé à la surprise et à l'évolution naturelle de la relation.


À l'opposé, l'absence totale de direction nous expose à d'autres risques : nous perdre dans des relations qui ne nous correspondent pas fondamentalement, reproduire des schémas relationnels problématiques, confondre intensité émotionnelle et compatibilité profonde.


Le juste milieu pourrait se concevoir comme une "direction souple" dans notre vie amoureuse :

  • Des valeurs fondamentales non négociables (respect, authenticité, engagement...)

  • Une vision dynamique de la relation qui peut évoluer avec le temps

  • Des frontières claires mais perméables entre nos individualités

  • Une conscience de nos besoins et de leur évolution


Distinguer incompatibilité et complexité

Dans cette navigation guidée par l'intention, un défi majeur est de savoir faire la différence entre une véritable incompatibilité et ce qui relève simplement de la complexité naturelle de toute relation humaine.


L'incompatibilité concerne les divergences fondamentales non négociables : valeurs contradictoires (intégrité/opportunisme, fidélité/relation ouverte), visions de vie irréconciliables (enfants, lieux de vie, équilibre vie personnelle/vie professionnelle), besoins émotionnels fondamentaux opposés (besoin de proximité physique ou émotionnelle/besoin d'indépendance, besoin de spontanéité forte/besoin de structure et de sécurité).

Dans ces situations, le compromis implique souvent de se trahir soi-même.


La complexité, en revanche, relève de la richesse naturelle des relations humaines : différences qui peuvent devenir complémentaires, défis qui renforcent la relation, opportunités d'apprentissage et de croissance mutuelle. Elle appelle l’écoute, la tolérance, l’empathie. Elle demande la capacité de négocier, de chercher ensemble — parfois avec créativité — des solutions insoupçonnées. La complexité permet également à l'autre de conserver une part d'inaccessible, ce qui contribue à maintenir l'attraction souvent associée à ce mystère au fil du temps.


Peut-être que la véritable qualité d’une relation ne réside pas dans le nombre de points communs ou d’accords, mais dans la possibilité de traverser les inévitables désaccords, les tensions, les séparations… et de réparer.


Quand nos visions divergent, quand nos besoins semblent s’opposer, quand nos décisions entrent en conflit, ce qui compte, c’est notre capacité à ralentir et creuser plus profondément :

Aller voir sous la surface du désaccord, et se demander :

Qu’est-ce qui est vraiment en jeu pour chacun de nous ?


Quelle peur se cache derrière cette réaction ?

Quel besoin humain fondamental cherche à être entendu — sécurité, liberté, reconnaissance, appartenance, autonomie, amour ?


Car lorsque nous réussissons à relier une divergence à des besoins que nous partageons tous, nous passons d’un rapport de force à une compréhension mutuelle.

Et c’est souvent là que naissent des solutions créatives — non pas en reniant qui nous sommes, mais en entendant et respectant ce que chacun porte, et en construisant ensemble un chemin inédit.


La maturité relationnelle ne consiste pas à éviter les frictions ou à rechercher une compatibilité parfaite, mais à apprendre à les traverser sans perdre le lien.


Fuir toute complexité serait se condamner à la solitude ou à la superficialité.

Cependant, ignorer une incompatibilité fondamentale qui nous pousserait à compromettre notre identité nous mènerait à une érosion intérieure.

Le discernement entre ces deux réalités est l’un des plus beaux exercices de maturité relationnelle.


Mise à nu émotionnelle : le courage de co-créer vraiment

Avoir de la clarté ne suffit pas : il faut également avoir les mots pour la partager, et surtout le courage de le faire.


Exprimer ce que nous vivons, ce que nous ressentons, ce que nous espérons — sans jugement, sans manipulation, sans tentative de contrôle —, c'est offrir à l'autre une parole nue, sincère, respectueuse de sa dignité et de sa liberté de choix.


Communiquer nos besoins, nos limites, nos peurs, c'est nous dévoiler dans ce que nous avons de plus vrai, de plus humain. Et c’est précisément dans cette exposition, authentique mais souvent terrifiante, que naît la véritable intimité.


Il ne s'agit pas seulement de partager l'éclat de nos élans ou la fierté de nos forces, mais aussi ce que nous préférerions parfois cacher : nos besoins les plus sensibles, nos peurs les plus archaïques, nos limites qui nous font nous sentir vulnérables ou “trop”.


Cela demande le courage de dire :

“J’ai besoin de me sentir prioritaire.”
“J’ai peur d’être envahi.”
“J’ai du mal à faire confiance car j'ai été trahie.”
“J’ai besoin de soutien et de tendresse, même si j’ai l’air fort(e).”
“Voici ce que je ne peux pas porter seul.”

Ce genre d'exposition n'est pas facile.

Et ce n'est pas une stratégie pour obtenir quelque chose de l'autre. Il ne s'agit pas de manipuler un résultat.

Il s'agit simplement de s'exposer pour être vraiment connu — sans garanties, sans arrière-pensée.


Dans un monde où se dénuder physiquement paraît souvent moins périlleux que de se dévoiler émotionnellement, ce type d'ouverture est un exercice ardu, qui se fait progressivement, à mesure que nos vérités sont acceptées.


Mais c'est aussi là que commence la véritable intimité : dans cet instant où nous montrons qui nous sommes réellement — imparfaits, humains, en chemin —non pas pour convaincre ou séduire, mais simplement pour dire :

"Me voici. C'est moi."



IV. La relation comme espace de co-création

L'idée de "trouver l'âme sœur" suggère également que quelque part existe déjà une personne parfaitement adaptée à nous, qu'il suffirait de découvrir pour que tout s'harmonise naturellement. Mais cette conception passive de l'amour ne résiste pas à l'épreuve de la réalité relationnelle.


Co-créer plutôt que trouver

La véritable alchimie amoureuse pourrait être redéfinie comme la découverte de quelqu'un avec qui nous pouvons co-créer une interaction qui nous apporte plus de bonheur. Cette nuance est fondamentale : elle déplace l'accent de la découverte passive d'une compatibilité préexistante vers la construction active d'une relation unique et vivante.


Dans cette perspective, la question n'est plus "Est-ce la bonne personne ?" mais plutôt "Pouvons-nous créer ensemble quelque chose qui nous épanouit mutuellement ?"


Ce changement d'état d'esprit nous libère de la quête illusoire d'un partenaire idéal tout en nous responsabilisant face à la relation que nous choisissons de cultiver.


Deux personnes partageant des valeurs similaires peuvent se révéler incapables de construire une dynamique nourrissante. À l'inverse, des partenaires aux profils apparemment différents développent parfois une harmonie surprenante par leur capacité à inventer ensemble une interaction qui transcende leurs différences.


Les ingrédients d'une co-création réussie

Pour co-créer efficacement une relation épanouissante, certains éléments semblent essentiels :

  • Une vision partagée : Non pas identique dans chaque détail, mais suffisamment alignée pour avancer dans une direction commune. Cette vision concerne tant la forme de la relation que les valeurs qui la soutiennent.

  • Une communication transparente : La capacité à exprimer ses besoins, ses limites et ses désirs sans manipulation ni jugement, et à écouter véritablement ceux de l'autre.

  • La flexibilité créative : L'art de s'adapter sans se trahir, d'innover face aux défis plutôt que de s'enfermer dans des schémas rigides ou des ultimatums.

  • L'engagement dans le processus : La conscience que la relation est un organisme vivant qui demande attention et soin, non un produit fini qu'on acquiert une fois pour toutes.

  • La générosité émotionnelle : Cette disposition à offrir à l'autre ce dont il a besoin pour s'épanouir, sans calcul ni attente de retour immédiat.


Lorsque ces ingrédients sont réunis, la relation devient un espace d'expansion mutuelle plutôt qu'un lieu de compromis douloureux ou d'effacement de soi.


L'espace entre nous : la "troisième entité"

Ce qui se crée entre deux personnes ne se résume ni à l'un ni à l'autre, mais constitue une troisième entité : la relation elle-même. Cette entité a ses propres besoins, son rythme, ses phases de croissance et de transformation.


Reconnaître cette dimension, c'est accepter que la relation nous dépasse tout en étant notre œuvre commune.

Nous en sommes à la fois les architectes et les habitants, les créateurs et les créatures.

Prendre soin de cet espace entre nous devient aussi essentiel que prendre soin de soi ou de l’autre.


La relation n’est jamais figée.

Elle évolue, se réinvente, se redessine jour après jour, à travers nos interactions, nos silences, nos choix conscients ou inconscients.


Vers une conception active du bonheur relationnel

Dans cette perspective, le bonheur amoureux n’est plus un miracle à trouver, ni un cadeau à recevoir passivement.

C’est une œuvre vivante, façonnée au fil du temps, à deux.

Chaque geste, chaque parole, chaque moment d'écoute devient une pierre ajoutée à l'édifice fragile mais précieux que nous construisons ensemble.


La "bonne personne" n'est plus celle qui correspond à une liste idéale.

C'est celle avec qui nous créons ce dialogue fertile, cette alchimie où nos deux individualités ne se fondent pas, mais s'élèvent mutuellement.


Peut-être que la vraie magie de l’amour n’est pas celle d’une rencontre prédestinée, mais celle de voir naître, à travers notre engagement conscient et notre créativité partagée, un univers relationnel unique — un espace où chacun devient la meilleure version de lui-même, non par mimétisme, mais par épanouissement mutuel.


Et pourtant...

Même avec cette vision de co-création, même avec les meilleurs ingrédients, un obstacle demeure parfois silencieusement en nous : nos propres résistances intérieures.

Ces barrières invisibles, construites au fil des blessures passées, peuvent saboter, à notre insu, même les rencontres les plus prometteuses.


Avant de co-créer à deux, il nous faut souvent oser traverser ces résistances en nous, pour devenir vraiment disponibles à l'amour que nous espérons construire.



V. Démanteler nos barrières intérieures

Comme le suggère si justement le poète Rumi :

"Votre tâche n'est pas de chercher l'amour, mais simplement de chercher et trouver en vous-même tous les obstacles que vous avez construits contre lui."

Cette perspective transforme radicalement notre approche de la rencontre amoureuse. Au lieu de chercher activement la personne idéale à l'extérieur, nous sommes invités à tourner notre regard vers l'intérieur, pour identifier et démanteler les barrières que nous avons érigées – souvent inconsciemment – contre l'amour authentique.


Les obstacles invisibles à l'amour

Ces obstacles prennent des formes multiples et souvent subtiles :

  • Les peurs héritées de notre enfance : peur d'être abandonné, d'être envahi, d'être trahi, qui colorent notre perception des relations présentes

  • Les croyances limitantes sur nos capacités et sur ce que nous méritons

  • Les mécanismes de protection devenus automatiques (distance émotionnelle, contrôle, évitement des conflits ou complaisance exacerbée)

  • Les idéaux romantiques irréalistes qui nous font rejeter des relations imparfaites mais potentiellement nourrissantes, ou au contraire nous font nous accrocher à des partenaires qui cochent une liste de critères mais avec qui nous sommes malheureux

  • Les schémas de pensée qui nous font interpréter négativement les intentions ou comportements de l'autre, ou au contraire qui leur trouve toujours des excuses et les déresponsabilise

  • L'attachement à notre identité telle que nous l'avons construite, qui peut résister à la transformation que l'amour véritable exige


Chacun de ces obstacles agit comme un filtre qui déforme notre perception et limite notre disponibilité à l'amour véritable.


Le travail intérieur : créer un espace d'accueil

Le travail de préparation intérieure ne consiste donc pas tant à perfectionner une liste de critères qu'à créer un espace libéré de ces entraves. C'est peut-être là que réside le véritable équilibre : non pas entre la rigidité et l'absence de direction, mais entre la clarté sur ce que nous souhaitons vivre et la libération de ce qui nous empêche de le reconnaître lorsqu'il se présente.


Ce travail implique :

  • Une observation bienveillante de nos réactions émotionnelles face à l'intimité

  • Une exploration de notre histoire affective et de ses empreintes sur notre présent

  • Une remise en question des narratifs limitants sur l'amour et les relations

  • Un élargissement de notre capacité à tolérer l'inconfort, la vulnérabilité et l'incertitude


Dans cette perspective, la co-création dont nous parlions prend une dimension nouvelle. Elle commence bien avant la rencontre, dans ce dialogue intime avec nous-mêmes où nous apprenons à défaire les nœuds de nos résistances pour devenir véritablement disponibles à l'autre.


L'ouverture consciente : une vulnérabilité choisie

Cette dissolution progressive des barrières ne signifie pas se livrer sans discernement à toute relation. Elle implique au contraire une vulnérabilité consciente et choisie – cette capacité à s'ouvrir avec courage, tout en conservant nos frontières saines et notre lucidité.


C'est dans cet état d'ouverture éclairée que nous devenons capables non seulement de reconnaître les opportunités de rencontre authentique de celles qui ne le sont pas, mais aussi d'y répondre pleinement, sans que nos mécanismes de défense n'interfèrent automatiquement.


L'amour devient alors moins une question de chance ou de choix stratégique qu'une question de présence authentique – à soi-même d'abord, puis à l'autre dans sa singularité. L'amour nous demande d'être funambules – de marcher sur ce fil délicat où nous nous ouvrons sans nous dissoudre, où nous choisissons en pleine conscience, où nous reconnaissons, au milieu de l'apparent hasard des rencontres, ce qui mérite véritablement d'être nourri.


Car la vraie rencontre n'est pas celle qui nous traverse comme une flèche. C'est celle que nous choisissons d'habiter pleinement, jour après jour, en y apportant notre présence consciente et notre engagement à grandir ensemble à travers les défis et les joies qu'elle nous offre.



Conclusion

La rencontre amoureuse, loin d'être uniquement le fruit du hasard ou la manifestation d'un destin capricieux, s'apparente davantage à un art subtil qui conjugue préparation intérieure et saisie consciente des opportunités.


En redéfinissant notre quête en termes d'interactions désirées plutôt que de critères figés sur la personne, nous restons ancrés dans la réalité tout en nous ouvrant à l’imprévisible. Nous cessons d’attendre que la relation idéale “nous arrive” pour devenir des co-créateurs actifs de ce que nous souhaitons vivre.


Mais cette disponibilité ne se décrète pas. Elle se cultive.

Elle suppose de clarifier ce que nous voulons vivre, d’oser devenir la personne capable de l’incarner, et de reconnaître, au moment venu, l’opportunité sincère même si elle ne prend pas la forme à laquelle on s’attendait.


Alors, peut-être que la bonne question n’est pas :

“Quand vais-je rencontrer la bonne personne ?”

mais plutôt :

“Comment puis-je devenir disponible à une rencontre authentique ?”

et

“Comment puis-je contribuer activement à créer une relation qui nous élève, l’autre et moi ?”


Pour aller plus loin, voici quelques questions que vous pouvez vous poser :

  • Quelles expériences relationnelles ai-je profondément envie de vivre ?

  • Suis-je capable aujourd’hui de les incarner, de les offrir, de les recevoir ?

  • Y a-t-il des contradictions en moi entre ce que je souhaite et ce que je tolère réellement ?

  • Suis-je prêt(e) à m'exposer, à mettre à nu mes besoins, mes limites et mes peurs?

  • Quelles sont les barrières que j’ai construites — consciemment ou non — contre l’intimité ?

  • Quelles valeurs fondamentales sont non négociables pour moi ? Et suis-je prête/prêt à les incarner, pas seulement à les exiger ?

  • Quand ai-je confondu une projection de mes manques avec une vraie opportunité de lien ? Et qu’est-ce que cela m’apprend sur moi ?


Ces questions ne visent pas à vous faire douter, mais à vous aider à faire de la place — pour que, lorsque la rencontre se présente, vous puissiez la reconnaître, l’accueillir… et la co-créer avec conscience, liberté et engagement.

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