Changer de Perspective Sur le Rejet
- Ilana Bensimon
- 14 avr.
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 mai
Il y a quelques années, j'ai rencontré un homme lors d'un événement de networking qui a complètement transformé ma façon de voir le rejet. Il avait la soixantaine — une personne d'apparence moyenne, discrète aux yeux du monde. Et pourtant, ce qu'il m'a dit a totalement bouleversé ma perspective sur le rejet.
Au cours de notre conversation, le sujet du rejet est apparu. Avec un sourire sincère, il m'a confié une phrase que je n'ai jamais oubliée :
« Lorsque quelqu'un me rejette, j'éprouve de la peine pour cette personne. Elle vient de manquer l'opportunité de connaître la personne extraordinaire que je suis. »
Je me souviens l'avoir regardé, légèrement interloquée.
Ce n'était pas de l'arrogance — c'était une véritable estime de soi.
Je me suis immédiatement dit : Comment peut-on penser de cette manière ?
Il n'était ni célèbre ni mannequin. Juste une personne ordinaire, qui avait construit une relation extraordinaire avec elle-même.
Et, dans le même élan, j'ai pensé :
"Ce doit être merveilleux de vivre avec un tel état d'esprit."
Mon chemin vers une nouvelle vision du rejet
Quelques années plus tard, et après beaucoup de travail intérieur, je réalise que… je commence à ressentir cela moi aussi. Cette rencontre a planté une graine qui a, peu à peu, transformé toute ma relation au rejet.
Comme beaucoup, je prenais autrefois le rejet de manière très personnelle. Qu’il s’agisse d'un rejet amoureux, d'une opportunité professionnelle manquée ou simplement de ne pas être incluse dans des évènements sociaux, chaque "non" semblait être un verdict sur ma valeur personnelle.
Le rejet signifiait que je n'étais pas assez bien.
Mais après avoir rencontré cet homme si confiant, j'ai entamé un travail lent et profond pour remettre en question cette interprétation. Et si le rejet n'était pas une déclaration de mon insuffisance, mais plutôt le reflet d’une incompatibilité, d’un mauvais timing, ou des propres limitations de l'autre personne ?
Ce changement de perspective n’a pas été instantané. Il m'a fallu des efforts constants pour challenger mes schémas de pensée négatifs. Mais progressivement, quelque chose a bougé. J'ai commencé à me percevoir comme une constante — une personne avec des qualités uniques, des talents, et une perspective qui apporte de la valeur au monde.
Aujourd'hui, bien que je ressente toujours de la déception lorsqu'une connexion espérée n'aboutit pas, cette douleur ne se transforme plus en doute profond. Le rejet n'est plus un jugement sur ma valeur. Aujourd'hui, je peux sincèrement penser :
« Quelle erreur ! »
Et je le pense vraiment.
Le rejet est un reflet des limitations de l’autre
Quand on vit un rejet, il est naturel de se tourner vers soi et de se demander :
« Qu’est-ce que j’ai mal fait ? » ou
« Qu’est-ce qui cloche chez moi ? »
Mais si, au lieu de cela, on considérait que le rejet en dit souvent plus sur les limitations de l’autre que sur notre propre valeur ?
Chacun perçoit le monde à travers ses propres filtres — influencés par ses peurs, ses insécurités, ses croyances rigides, ses attentes superficielles, ses blessures non guéries.
Souvent, ce n’est pas vous que la personne rejette, mais l’inconfort que vous éveillez en elle, ou bien sa propre incapacité à sortir de sa zone de confort.
Certaines personnes peuvent fuir face à quelqu’un qui incarne des qualités qu’elles n’osent pas exprimer elles-mêmes, ou qui les invite à évoluer.
D’autres recherchent des critères très spécifiques, souvent superficiels, pour se rassurer — ce qui en dit plus sur leur propre manque de sécurité intérieure que sur votre prétendue inadéquation.
Beaucoup de rejets se produisent sur la base d’interactions brèves ou incomplètes. L’autre prend une décision à partir d’un fragment de vous, sans avoir vu la richesse de ce que vous apportez.
Parfois, le rejet est aussi une forme d’honnêteté : la personne en face a plus d’informations sur elle-même que vous, et elle sait qu’elle ne pourra pas répondre à vos besoins.
Elle ne vous rejette pas vous, mais la relation qu’elle pressent ne pas pouvoir construire avec vous.
Quelques exemples :
Quelqu’un peut rejeter l’ambition parce que cela lui rappelle ses rêves abandonnés.
Quelqu’un peut rejeter la générosité parce qu’il/elle n’est pas prêt·e à recevoir de l’amour sans méfiance.
Quelqu’un peut rejeter la profondeur parce qu’il/elle a peur d'explorer son monde intérieur.
Quelqu’un peut rejeter votre besoin de proximité non pas parce que vous en demandez trop, mais parce qu’il/elle sait ne pas pouvoir y répondre.
Quelqu’un peut même rejeter les brunes parce qu’il a besoin d’une blonde pour flatter un ego fragile…
Dans ces cas-là, le rejet ne parle pas de vos insuffisances. Il parle des limitations, peurs ou filtres de l’autre, de son incapacité à recevoir ce que vous offrez.
Cette perspective ne vous place pas "au-dessus" de l’autre — elle restaure simplement un équilibre.
Elle vous rappelle qu'une connexion se co-crée, et que tout le monde n’a pas la capacité ou la disponibilité pour vous rencontrer là où vous êtes.
La libération : faire descendre l'autre de son piédestal
Voir les choses ainsi permet aussi de faire descendre l’autre du piédestal sur lequel on l’avait parfois placé.
On cesse de lui donner le rôle de juge ultime de notre valeur.
On le voit pour ce qu’il est : un être humain imparfait, avec son propre monde intérieur — tout comme nous.
Aujourd'hui, lorsque quelqu'un choisit de s'éloigner ou de ne pas approfondir la relation, je vois les choses différemment.
Non comme la preuve que je ne suis "pas assez", mais plutôt comme le reflet de son incapacité à voir qui je suis vraiment.
Reformuler le rejet comme un manque de discernement de leur part inverse complètement la dynamique. Soudainement, ils ne sont plus des arbitres parfaits de ma valeur ; ce sont simplement d'autres êtres humains avec leurs propres limites, leurs biais, leurs croyances rigides et leurs angles morts.
Ce n'est pas de l'arrogance — c'est de l'équilibre. C'est se souvenir que la connexion est une rue à double sens.
Exemples vécus
Un des rejets les plus éclairants que j'ai vécu est venu d'une connexion prometteuse qui s’est refroidie après une conversation où j'ai posé une question sur sa direction de vie. Avec le recul, j'ai compris que cette personne se sentait mal à l'aise face à ma tendance à poser des questions profondes et à explorer différentes perspectives. Ce que je valorise comme curiosité intellectuelle et désir de croissance, elle l’a perçu comme une menace pour son confort et propre estime. Son rejet ne parlait pas de ma valeur, mais de sa peur de remettre en question sa vision de lui-même.
En reconnaissant cela, j'ai pu ressentir une véritable compassion pour ses limites, tout en honorant ma propre valeur.
Quelques années plus tard, j'ai aussi vécu un rejet amoureux après quelques mois de relation. Au début, j'ai plongé dans le doute de moi. Mais en y réfléchissant, je me suis souvenue que cette personne avait mentionné à plusieurs reprises combien il était important pour elle que sa partenaire partage sa passion pour la voile — une activité pour laquelle je n'avais absolument aucun intérêt. Ce qui, au départ, avait ressemblé à un rejet de mon être tout entier, était en réalité simplement une incompatibilité de style de vie.
Il ne me rejetait pas moi ; il cherchait simplement une relation spécifique qui incluait des weekends en bateau. Leur checklist rigide les a empêchés de voir toutes les autres expériences précieuses que nous aurions pu partager.
Ce changement de regard a été tout aussi puissant dans ma vie professionnelle. Je me souviens, à la recherche de mon premier emploi, avoir été recalée après un processus de recrutement dans un cabinet de conseil en stratégie.
Le retour qu'on m'a donné m'a profondément remise en question : on m’a dit que, même si ma capacité d'analyse détaillée était excellente, je semblais moins à l'aise avec la synthèse rapide nécessaire pour formuler des recommandations clients.
À l'époque, j'ai interprété cela comme une condamnation de mes compétences :"Je ne suis pas à la hauteur" ou "Mon style analytique est un problème."
Pourtant, ce rejet m'a finalement dirigée vers un poste bien mieux adapté : je suis devenue trader en produits dérivés. Dans ce métier, mon approche analytique minutieuse — ce que le cabinet voyait comme une faiblesse — est devenue ma plus grande force.
Ce qui avait été perçu comme une limite dans un contexte, était en fait un atout majeur dans un autre.
Comment développer cet état d'esprit : étapes pratiques
Si vous êtes profondément blessé par tout rejet et souhaitez cultiver une relation plus saine avec lui, voici des étapes concrètes qui m'ont aidée :
1. Faites l'inventaire de vos qualités uniques
Prenez le temps de dresser une liste honnête de ce qui fait votre valeur. Incluez vos compétences, vos qualités personnelles, vos perspectives uniques. Ne cherchez pas à gonfler votre ego — il s'agit de reconnaître humblement votre richesse.
2. Collectez les preuves de votre valeur
Chaque jour, notez une qualité ou une action positive que vous avez exprimée. Relisez régulièrement cette liste, surtout après un rejet.
3. Considérez "leur perte"
Après un rejet, dressez la liste de ce qu'ils ont perdu en ne cultivant pas de relation avec vous. Pas par méchanceté, mais dans un élan de dignité qui honore votre richesse intérieure.
4. Analysez les limitations de la personne
Sans amertume, réfléchissez aux limites éventuelles de la personne qui vous a rejeté(e). Peut-être qu'elle a des attentes très spécifiques, des insécurités ou un manque de discernement.
5. Souvenez-vous de vos "bonnes échappées"
Repensez aux fois où un rejet vous a, en réalité, préservé de relations ou de situations inadaptées, et vous a libéré du temps et de l'énergie pour des relations plus alignées.
6. Accueillez la déception sans vous définir par elle
Autorisez-vous à ressentir la déception sans en faire un jugement sur votre valeur.
7. Pratiquez la compassion — envers vous-même et envers l'autre
Ayez de la compassion pour vous dans votre déception, et aussi pour l'autre, sans condescendance : reconnaissez simplement ses limitations.
9. Soyez prêt à vous demander : y a-t-il ici quelque chose dont je peux tirer un apprentissage ?
Reformuler le rejet ne veut pas dire se convaincre qu’on a toujours raison et que l’autre a toujours tort. Parfois, un rejet peut contenir un retour précieux — non pas sur votre valeur, mais sur la manière dont vous vous présentez au monde.
Peut-être avez-vous semblé émotionnellement distant, ou trop intense trop vite.
Peut-être que votre communication était floue.
Peut-être avez-vous exprimé de l’anxiété, de la colère, ou une insécurité que l’autre personne n’était pas en mesure de gérer et qui l'a submergé.
Ou peut-être — de manière très humaine — votre soin de vous-même, votre hygiène ou votre posture ne reflétaient pas le type de lien que vous souhaitiez créer.
Cela ne veut pas dire que vous n’avez pas de valeur. Cela veut simplement dire que, comme tout le monde, vous avez des espaces de croissance.
La clé est de vous poser cette question, avec honnêteté et bienveillance :
Est-ce qu’il y a quelque chose dans ma manière de me présenter que j’aimerais explorer, ajuster ou faire évoluer — non pas pour plaire aux autres, mais pour être plus aligné avec la personne que j’ai envie d’être dans mes relations ?
Ce type d’introspection n’a rien à voir avec la honte ou l’auto-critique. C’est une forme de leadership personnel et d’amour de soi. C’est vouloir le meilleur pour soi — et oser évoluer pour le rendre possible.
Rester ouvert tout en protégeant sa valeur
Reformuler le rejet ne signifie pas devenir insensible ou fermé à la connexion.
L'objectif n'est pas d'arrêter de ressentir, mais de préserver son estime de soi même dans la vulnérabilité.
Le véritable pouvoir de cet état d'esprit, c'est de rester pleinement ouvert aux autres — tout en ancrant votre valeur en vous-même.
L'homme que j'ai rencontré lors de cet événement ne s'était pas blindé contre la déception. Il avait simplement appris à la traverser sans remettre en cause sa valeur fondamentale.
C’est ça, la véritable confiance : ancrer son sentiment de valeur en soi, et non dans les événements extérieurs.
Conclusion : Le rejet comme information, pas comme définition
Au final, reformuler le rejet, c’est le voir comme une information sur la compatibilité, le timing, ou le contexte — pas comme une définition de qui vous êtes.
Quand quelqu’un vous rejette, il n’évalue pas objectivement votre valeur ; il exprime simplement une préférence subjective.
La capacité à ressentir une véritable compassion pour ceux qui passent à côté de vous naît d’une connaissance intime et inébranlable de votre propre valeur. Et cette connaissance, personne ne peut vous la donner ni vous la retirer.
C'est un chemin qui demande patience et constante, mais l'un des plus libérateurs que vous puissiez emprunter.
Car une fois arrivé(e) là, le rejet n'a plus le pouvoir de vous diminuer — parce que vous savez, avec une certitude ancrée, exactement qui vous êtes.
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