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Le cercle vicieux des croyances limitantes, besoins réprimés et limites floues.

  • Photo du rédacteur: Ilana Bensimon
    Ilana Bensimon
  • 1 avr.
  • 19 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 avr.

Nous pensons souvent que nos croyances limitantes ne sont que des pensées négatives à reprogrammer. Mais en réalité, elles sont bien plus profondes. Elles façonnent la façon dont nous nous autorisons (ou non) à avoir des besoins, et influencent la manière dont nous posons (ou évitons) des limites.


Ces croyances ne sont pas de simples pensées erronées : elles sont des jugements inconscients sur notre capacité fondamentale à satisfaire nos besoins essentiels, tout en restant en lien, en sécurité, et en cohérence avec nous-mêmes.


Autrement dit, nous ne croyons pas seulement que ces besoins sont difficiles à combler — nous croyons que nous n’en sommes pas capables, en tant que personne. Et c’est cette perception d’incapacité qui déclenche des stratégies d’évitement, des tensions intérieures et des cercles vicieux.


Prenons un exemple : si je porte en moi la croyance "Je serai rejeté(e) si je me montre tel(le) que je suis", je vais probablement éviter d’exprimer mes besoins ou mes émotions. Ces besoins resteront inassouvis, ma frustration s’accumulera, mes limites deviendront floues — jusqu’à l’explosion, la fuite, ou la résignation. Et cela viendra renforcer ma croyance de départ : "Quand je suis moi, je perds les autres."


Ces schémas ne sont pas des défauts de caractère. Ce sont des boucles de protection, mises en place à un moment de notre vie où elles nous semblaient vitales.

Mais aujourd’hui, ces boucles peuvent finir par créer exactement ce que nous cherchons à éviter : la solitude, l’épuisement, le rejet, la perte de soi.


Le Cercle Vicieux

Ces dynamiques suivent souvent une structure répétitive :


Incapacité perçue → Évitement du besoin → Accumulation invisible → Pénurie ressentie → Limites floues → Confirmation de la croyance


C’est un système d’auto-renforcement très stable, où chaque élément renforce l’autre. Et tant que nous ne remettons pas en question notre incapacité perçue (ex. : "je ne peux pas être aimé(e) tel(le) que je suis"), tout le reste du système se maintient, voire se renforce.


Dans les sections suivantes, nous allons explorer différentes boucles courantes à travers cette grille : croyance limitante, besoin réprimé, limites floues, et renforcement. Et surtout, nous verrons ensuite comment sortir de ces boucles, en s’appuyant non seulement sur la prise de conscience, mais aussi sur des micro-expériences qui viennent progressivement reconstruire notre sentiment de capacité.


Boucle #1 : « Je ne suis pas assez.. »
Incapacité perçue :

Cette croyance est l’une des plus courantes et insidieuses. Elle se manifeste par un sentiment profond d’insuffisance : "Je ne suis pas capable d’être reconnu(e) ou aimé(e) simplement pour ce que je suis. Il me faut compenser en étant irréprochable, performant(e), utile, agréable."


Elle se cache souvent derrière le perfectionnisme, le besoin de plaire, ou un doute de soi chronique. Elle nous murmure que, pour être aimé ou accepté, nous devons toujours faire plus, mieux, sans jamais faillir.


Sous cette croyance se cache un besoin très humain : celui d'être vu, reconnu et valorisé tel que l'on est.


Besoins réprimés

Quand on croit fondamentalement que l'on n'est pas "assez bien", on apprend à réprimer nos besoins, car on pense ne pas les mériter ou être incapable de les satisfaire. Cela peut concerner :

  • Le besoin de reconnaissance : on minimise nos accomplissements ou on les attribue au hasard.

  • Le besoin de soutien : on n’ose pas demander de l’aide, pensant qu’on devrait s’en sortir seul.

  • Le besoin de repos : on culpabilise à l’idée de ralentir.

  • Le besoin d’expression personnelle : on retient nos idées ou nos envies, par peur de déplaire.


Ces besoins sont vécus comme "trop", "injustifiés", ou "inaccessibles pour moi". On se suradapte. On anticipe les attentes. On devient performant(e), serviable, invisible ou parfait(e), pensant que cela permettra (peut-être) d’être accepté(e).

Ces besoins réprimés ne disparaissent pas. Ils s’accumulent et créent un vide intérieur, une fatigue émotionnelle, parfois même des symptômes physiques. Le besoin de reconnaissance devient obsessionnel mais reste inassouvi, car on rejette ce qui est donné.


Limites floues

Quand on cherche constamment à prouver qu’on est "assez bien", on finit souvent par dire oui à tout, par peur de décevoir. Poser une limite semble trop risqué. Dire non, ralentir ou demander, c’est risquer de perdre l’unique source (fragile) de validation qu’on pense pouvoir atteindre

Nos limites deviennent :

  • Invisibles : on se charge trop, on donne trop.

  • Inexistantes : on accepte des comportements irrespectueux.

  • Rigides par moments, puis inexistantes ensuite : on s’épuise, puis on explose.


Et la croyance se renforce

Quand nos efforts ne sont pas reconnus ou qu’ils mènent à l’épuisement, cela confirme notre pensée initiale :

« Tu vois ? Même avec tous ces efforts, tu n’es toujours pas assez bien. »

La boucle se referme. Non pas parce que la croyance est vraie, mais parce que notre système interne ne nous a jamais donné une autre issue.



Boucle #2 : « Je serai abandonné(e) »
Incapacité perçue :

Je ne suis pas capable d’être pleinement moi-même et de rester en lien. Si je montre qui je suis vraiment, les gens me quitteront. Être authentique, c’est perdre l’autre.


Cette croyance repose sur une peur profonde que les personnes qu’on aime finiront par partir. Ce sentiment peut venir d’expériences passées de rejet, de ruptures précoces, ou de liens instables qui ont laissé la trace que la proximité est toujours menacée. En réalité, nous avons intégré la croyance que ce que nous sommes ne suffit pas pour que les gens restent.


Derrière cette croyance, il y a un besoin vital : le besoin de lien sécure et de connexion authentique. Le besoin d’être aimé non pas pour ce qu’on offre ou ce qu’on dissimule, mais pour ce qu’on est vraiment.


Besoins réprimés

Quand on est persuadé(e) que ce que nous sommes est insuffisant (ou trop) pour conserver les connexions, exprimer ses besoins devient dangereux. On vit dans la peur que toute expression "trop vraie" brise le lien. On commence alors à réprimer ses émotions, ses limites, ses besoins, ses désaccords ou ses vulnérabilités.

On réprime :

  • Le besoin d’expression sincère : on montre seulement une version "acceptable" de soi.

  • Le besoin d’autonomie : on évite de dire non ou de s’affirmer pour ne pas risquer de perdre l’autre.

  • Le besoin de vulnérabilité : on cache ses failles pour paraître facile à aimer.

  • Le besoin de différenciation : on fusionne avec l’autre, de peur que toute distance mène à la rupture.


On se façonne selon ce qu’on pense que l’autre attend. On se rend indispensable, agréable, lisse. Ou bien on prend les devants en gardant une distance, pour ne pas trop s’attacher.

Il en résulte des relations déséquilibrées, un sentiment d’être invisible ou incompris(e), une frustration sourde. Et paradoxalement… une solitude même dans la relation. On n’ose pas demander, alors on se sent seul(e) même entouré(e).


Limites floues

Exprimer une limite revient à risquer la perte. Pour éviter de perdre le peu de connexion que l'on a, on réprime ses limites.

  • On suradapte nos comportements aux attentes perçues.

  • On évite le conflit, même quand quelque chose ne nous convient pas.

  • On prend en charge les besoins de l’autre en s’oubliant soi-même.

  • On reste dans des relations insatisfaisantes, par peur de se retrouver seul(e).


Ces dynamiques brouillent totalement la frontière entre soi et l’autre. On supporte trop, on minimise ses besoins, on laisse passer. Jusqu’à ce que la tension devienne trop forte, et qu’on explose… ou qu’on parte :


Et la croyance se renforce

Soit on est quitté(e), soit on quitte… en confirmant ce que l’on redoutait :

"Les liens ne tiennent jamais. Je suis trop (ou pas assez) pour qu’on reste."

Ainsi, la peur d’être abandonné crée les conditions d’une relation superficielle, qui ne peut pas nourrir le lien profond qu’on recherche. Et quand ça échoue, la boucle se referme.


Boucle #3 : « Je n’ai pas de pouvoir »
Incapacité perçue :

Je ne suis pas capable d’influencer ma vie ou de faire des choix valables. Ce que je veux n’a pas de poids. Les autres savent mieux. Ou alors… ça ne sert à rien d’essayer.


Cette croyance se construit souvent dans des environnements où nos choix, notre voix ou nos efforts ont été ignorés, contournés ou systématiquement invalidés. On en vient alors à penser que, quoi qu’on fasse, cela ne changera rien.


Sous cette croyance se cache un besoin fondamental : le besoin d’autonomie, d’agir selon sa propre volonté, et de sentir que ses choix ont du poids.


Besoins réprimés

Quand on se sent impuissant, on apprend à réprimer certains besoins clés :

  • Le besoin de décision : on évite de choisir, par peur de se tromper ou de ne pas être légitime.

  • Le besoin d’expression : on garde pour soi nos opinions ou désirs, pensant qu’ils n’auront aucun impact.

  • Le besoin de direction : on attend que d’autres tracent le chemin à notre place.

  • Le besoin d’auto-détermination : on suit les attentes extérieures, même si elles ne résonnent pas avec nous.


Toute tentative de se positionner semble vouée à l’échec ou au conflit. On se laisse porter. On attend que les autres décident. On évite de s’engager. Ou on dit "oui" en surface tout en résistant en silence. Ce qui compte : éviter le rejet, le conflit, ou la déception d’un échec.


Un sentiment d’impuissance généralisée s’installe, une frustration croissante. On a du mal à identifier ce qu’on veut vraiment. Il en découle une impression de subir sa vie, ou de vivre celle des autres.


Limites floues

Lorsqu’on croit ne pas avoir de pouvoir, poser des limites paraît inutile ("de toute façon, ça ne changera rien"). Alors on n’en pose pas, ou de manière passive-agressive. Parfois, l’accumulation déborde en crises ou ruptures brutales :

  • On laisse les autres décider pour nous, même dans des domaines très personnels.

  • On accepte des situations inconfortables, persuadé que « ça ne servirait à rien » d’en parler.

  • On communique nos besoins de manière indirecte ou passive.

  • On alterne entre soumission totale et explosion soudaine, faute d’un cadre intérieur stable.


Et la croyance se renforce

En n’agissant pas, ou en abandonnant au moindre obstacle, on se prive de toute possibilité de vérifier qu’un autre scénario est possible. Les décisions sont prises par d’autres, on se sent envahi, on se replie ou on explose.. On se sent alors encore moins capable de choisir

Et face à chaque déception, on renforce la croyance initiale :

 → "Je n’ai jamais vraiment le choix."

Petit à petit, on se résigne. L’énergie vitale diminue. Et cette résignation devient une prison invisible, qui nous empêche de découvrir la force que nous n’avons jamais eu l’occasion d’exercer pleinement.


Boucle #4 : « Je vais être enfermé(e) »
Incapacité perçue :

Je ne suis pas capable de rester libre dans l’engagement. Si je m’attache, si je choisis, je vais perdre mon autonomie. Les autres envahissent. Les engagements m’enferment. Je ne saurai pas poser de limites si je suis trop proche.


Cette croyance se forme souvent chez les personnes qui ont vécu l’engagement comme une perte de liberté. Peut-être ont-elles vu des proches s’éteindre dans des relations ou des responsabilités, ou bien ont-elles elles-mêmes connu des engagements contraignants et étouffants.


Sous cette peur de l’enfermement se cache pourtant un besoin fondamental : le besoin de connexion profonde, de stabilité et de sens — sans pour autant perdre son individualité.


Besoins réprimés

Pour ne pas risquer de se sentir piégé, on évite de s’investir pleinement dans un lien, une voie, un projet ou d'aller au bout d’une expérience.

On réprime alors certains besoins essentiels :

  • Le besoin d’intimité : on maintient une distance de sécurité dans les relations.

  • Le besoin d’appartenance : on reste en périphérie des groupes ou des engagements.

  • Le besoin de contribution durable : on évite de trop s’impliquer dans les projets ou les causes.

  • Le besoin de constance : on fuit les situations qui exigent une présence régulière ou des décisions à long terme.


On maintient une certaine distance. On reste flou, on évite les engagements explicites. On garde des issues de secours. On entretient plusieurs options ou identités parallèles. On évite les sujets sérieux ou on se déconnecte dès qu’un lien devient trop proche.

On se retrouve dans des relations ambivalentes, des engagements partiels.

A la longue, cela nous empêche de créer de la stabilité et de la profondeur et de choisir vraiment notre vie. On ressent une insatisfaction permanente, et on se sent incapable de construire ou de se sentir aligné(e). On ressent de la fatigue à toujours naviguer entre liberté et solitude.


Limites floues

Au début, on ne pose pas de limites par peur de blesser ou de rentrer dans un conflit qui nous prendrait trop d'énergie. Pour préserver la sensation de liberté, on garde les choses vagues. Mais au bout d'un moment, on les pose brutalement en mode "retrait total" pour préserver sa liberté. Cela crée des dynamiques confuses et des liens instables.


Nos limites deviennent :

  • Ambiguës : on évite de clarifier nos intentions ou notre niveau d’engagement.

  • Inconstantes : on oscille entre enthousiasme et retrait, ce qui perturbe la relation à l’autre.

  • Rigides : si quelqu'un enfreint nos limites floues, on peut réagir et repousser l'autre brutalement.

  • Absentes dans les contextes qu’on n’a pas choisis : on subit sans oser réajuster.


Cette confusion crée souvent des dynamiques floues, frustrantes — pour soi comme pour les autres.


Et la croyance se renforce

À force de fuir ou de couper, on se retrouve dans des liens peu nourrissants ou on reste coincé(e) dans des situations choisies par défaut. En gardant toujours une porte de sortie, on ne s’investit jamais pleinement. Et en ne s’investissant jamais pleinement, on ne goûte pas à la sécurité ou à la richesse qu’un lien, un projet ou une communauté pourraient nous offrir.


Alors la croyance s’installe :

"Je ne peux pas m’engager sans me perdre."

Et l’on reste dans une forme de flou permanent : pas totalement enfermé… mais jamais vraiment libre non plus.


Boucle #5 : « Je suis en danger / Le monde est menaçant »
Incapacité perçue :

Je ne suis pas capable de me protéger tout en restant ouvert(e) à la vie. Les autres, les situations, les émotions sont potentiellement menaçants, et je ne saurai pas y faire face. Pour rester en sécurité, je dois me fermer, me contrôler, ou éviter.


Cette croyance prend racine dans des expériences où la sécurité était absente ou instable : traumatismes, trahisons, environnements imprévisibles. On en déduit que le monde est fondamentalement dangereux, et qu’il faut rester sur ses gardes en permanence.


Sous cette croyance se cache un besoin universel : le besoin de sécurité, de prévisibilité, et de confiance dans notre capacité à gérer ce qui arrive.


Besoins réprimés

Quand on croit que rien n’est sûr, chaque pas vers l’inconnu semble potentiellement dangereux. Faire confiance, s'ouvrir et l’intimité sont vécues comme des prises de risques trop grandes. On finit par étouffer certains besoins pour survivre :

  • Le besoin d’exploration : on évite les nouveautés, les sorties de zone de confort. On se prépare à tout, on reste sur ses gardes.

  • Le besoin de lien : on reste distant ou méfiant envers les autres.  On contrôle les relations ou les situations. On se méfie des élans, des autres et parfois de soi-même.

  • Le besoin de repos : on évite, on anticipe, on suranalyse. On ne se sent jamais assez en confiance pour relâcher la vigilance.

  • Le besoin de spontanéité : tout est planifié pour éviter l’imprévu.


Il en résulte une tension chronique, une fatigue mentale, un sentiment d'isolement. On a l'impression de d'être constamment en mode "survie", même quand rien ne menace directement. On a de la difficulté à profiter du présent ou à s’abandonner à des moments de joie ou de lien.


Limites floues (ou trop rigides)

Pour se protéger, on met en place des limites souvent trop rigides ou trop nombreuses : on construit des murs, on verrouille. Ou bien des limites trop laxes dans certains domaines (famille, travail), parce qu’on ne s’autorise pas à se positionner clairement.

  • On contrôle les situations, les personnes, voire soi-même de façon excessive.

  • On dit non par défaut, même à ce qui pourrait être bon.

  • On anticipe les dangers plutôt que d’écouter ses réels besoins.

  • On laisse peu de place à l’autre, par peur de perdre le contrôle.

  • On subit sans oser mettre de limite dans les contextes qui nous semblent indispensables (famille, travail)


Et la croyance se renforce

L’évitement des expériences confirme le sentiment d’incapacité à gérer l’imprévu → chaque inconnu fait peur → on limite encore davantage ses possibilités


Plus on tente de se protéger, plus la vie se réduit. L’anxiété augmente, le champ des possibles se referme, les relations deviennent superficielles ou inexistantes.

Et tout cela semble valider la croyance de départ :

«Je ne peux vraiment pas baisser la garde. Ce n’est pas sûr." »

Ce qui était une stratégie de survie devient alors une prison, où l’on se sent coincé entre besoin de protection et soif de vivre pleinement.


Boucle #6 : « Je serai rejeté(e) »
Incapacité perçue :

Je ne suis pas capable d’être pleinement moi-même et d’être accepté(e). Montrer ma vérité, c’est provoquer le rejet. Je ne peux pas être sincère et rester en lien.


Cette croyance se construit autour de la peur qu’en montrant notre véritable visage — nos émotions, nos besoins, notre complexité — on finira rejeté(e), exclu(e), ou jugé(e). Elle naît souvent d’expériences où notre authenticité n’a pas été accueillie avec bienveillance.


Derrière cette peur se cache un besoin profond : celui d’être accepté tel que l’on est, et de se sentir en lien sans devoir se trahir.


Besoins réprimés

Par peur d’être rejeté, on réprime :

  • Le besoin d’expression authentique : on filtre ou on adoucit ce que l’on dit. On filtre ses opinions ou ses différences.

  • Le besoin de vulnérabilité : on cache nos désirs, nos insécurités, nos émotions, nos zones d’ombre.

  • Le besoin de reconnaissance sincère : on ne montre pas ce qui compte vraiment pour nous.

  • Le besoin de contact réel : on évite les situations où notre vrai soi pourrait être mis à nu.

On lisse son image. On devient ce que l’on pense que l’autre attend. On évite les conflits. On sourit quand on voudrait pleurer. On se tait par peur de choquer. On se déconnecte progressivement de son identité profonde.

Il en résulte une sensation de ne pas être vu(e), une frustration sourde, et une solitude au sein même des relations.


Limites floues

Pour éviter le rejet, on n’ose pas dire non, ni exprimer ses préférences. On accepte trop, trop longtemps. On adopte des stratégies d’adaptation :

  • On se conforme, on masque, on joue un rôle.

  • On évite les désaccords ou les conversations profondes.

  • On dit oui à des choses qui ne nous conviennent pas pour rester "aimable".

  • On cherche l’approbation plutôt que la sincérité.


Ces stratégies nous protègent d’une douleur immédiate, mais elles empêchent tout lien véritable. Et elles ne fonctionnent que jusqu’au moment où la pression devient insupportable..


Et la croyance se renforce

À force de cacher qui l’on est, on finit par ressentir un vide : même entouré(e), on se sent seul(e). Et quand une relation ne fonctionne pas, ou qu'on explose sous la pression, cela semble confirmer que :

« Je ne peux pas être inclus tel(le) que je suis. »

Alors qu’en réalité, on n’a jamais vraiment laissé la chance à l’autre de nous voir.

La boucle se referme, et la solitude devient une prophétie auto-réalisatrice, bien plus douloureuse encore que le rejet qu’on cherchait à éviter.


Boucle #7 : « Je suis une mauvaise personne / Je suis fautif »
Incapacité perçue :

Je ne suis pas digne de respect, de douceur ou de pardon. Je suis fondamentalement fautif(ve), défectueux(se) ou égoïste. Pour mériter ma place, je dois me racheter — en faisant plus, en m’oubliant, en souffrant.


Cette croyance, souvent intériorisée très tôt, est liée à un sentiment profond de honte ou de culpabilité. On ne se sent pas seulement imparfait, mais fondamentalement défectueux ou fautif. Comme si quelque chose en nous était irrémédiablement cassé.


Derrière cette croyance se cache un besoin essentiel : le besoin de dignité, d’auto-respect, et de pardon envers soi-même.


Besoins réprimés

Quand on croit qu’on est une mauvaise personne, il est difficile de recevoir du soutien sans se sentir coupable, ou de ressentir de la joie sans l'avoir "mérité" avant.

On sabote ou on rejette :

  • Le besoin de repos ou de plaisir : qu’on vit comme une forme d’indignité.

  • Le besoin de soin de soi : perçu comme de l’égoïsme. On se punit inconsciemment (surcharge, auto-dévalorisation, culpabilité constante).

  • Le besoin de reconnaissance : jugé comme prétentieux ou illégitime.

  • Le besoin de poser ses limites : vu comme une forme d’agression ou de manque d’amour. On donne trop. On s’excuse en permanence. On s’interdit la colère ou l’imperfection.


Il en résulte une fatigue émotionnelle et physique, un sentiment d’injustice ou de honte tenace. On ne se sent jamais "ok" d’exister tel que l’on est.


Limites floues

La culpabilité pousse souvent à se suradapter, à s’effacer, voire à s’auto-punir. On laisse passer ce qui ne devrait pas l’être. On accepte des traitements inéquitables. L’idée même de poser une limite semble égoïste :

  • On accepte d’en faire trop pour les autres.

  • On évite de dire non, même quand on est à bout.

  • On prend la responsabilité des émotions ou des erreurs des autres.

  • On se laisse maltraiter, en pensant qu’on le mérite peut-être.


Et la croyance se renforce

À force de s’oublier, on s’épuise. On devient irritable, frustré, amer du manque de réciprocité. Et ces réactions émotionnelles valident l’impression qu’on doit toujours faire plus pour "se faire pardonner d’être".

"Je dois compenser. Sinon, je suis une mauvaise personne."

Et la boucle continue. On se juge pour des réactions normales, dans un système intérieur qui nous refuse toute compassion.



Boucle #8 : « Je ne serai jamais compris(e) »
Incapacité perçue :

Je ne suis pas capable d’être entendu(e) dans ce que je suis vraiment. Ma complexité, ma sensibilité, ma nuance ou mon vécu sont "trop" ou "illisibles". M’expliquer ne sert à rien.


Cette croyance repose sur l’idée que notre complexité, nos ressentis ou notre manière d’être sont « trop » ou incompréhensibles pour les autres. Elle peut venir de situations où on s’est senti exclu, incompris, ou moqué pour ce qu’on était vraiment.


Derrière cette croyance se cache un besoin profond : le besoin d’être vu, entendu et compris dans sa vérité intérieure.


Besoins réprimés

Quand on pense qu’on ne sera jamais compris, on évite :

  • Le besoin d’expression profonde : on se censure, on évite de partager profondément, on reste en surface dans nos échanges.

  • Le besoin de lien sincère : on n’ose pas dévoiler ce qui compte vraiment, de peur d'être mal interprété(e)

  • Le besoin d’appartenance : on ne cherche pas sa place, persuadé qu’on ne l’aura jamais.

  • Le besoin de nuance : on simplifie ou on se tait pour éviter les malentendus.


On se sur-adapte. On parle par petites touches ou on se sur-explique sans fin. Parfois, on se retire complètement du dialogue — pour éviter l’incompréhension qui fait mal.


Il en résulte un sentiment d’être seul(e) au monde, ou en décalage permanent. Impression de porter un univers que personne ne peut rejoindre.


Des limites floues

Pour éviter d’être encore une fois incompris, on ne pose pas de limites autour de la communication :

  • Se suradapte au langage ou au style des autres.

  • On tolère les projections, les raccourcis, le manque d’écoute.

  • Se tait plutôt que de risquer d’être mal interprété.

  • Cherche à tout expliquer, se justifier, s’excuser d’être soi.

  • Prend peu de place dans les échanges émotionnels ou intellectuels.

  • Ou on ferme toute communication pour se protéger.


Et la croyance se renforce

À force de ne pas exprimer notre vraie voix, on entretient une image lisse, incomplète. Chaque dialogue tronqué, chaque malentendu, chaque moment où l’on ne se sent pas rejoint renforce l’idée que :

« De toute façon, personne ne peut vraiment me comprendre. »

Mais cette incompréhension vient moins de notre complexité… que de notre peur d’exister pleinement dans le lien.


Sortir de la boucle : Comment transformer ces schémas

Pour transformer ces cercles vicieux en cercles vertueux, il ne suffit pas de « penser différemment ». Il faut intervenir simultanément à plusieurs niveaux : questionner la croyance d’incapacité, oser honorer ses besoins, et poser des limites (même petites). C’est ce que nous allons explorer dans la suite : comment déconstruire ces boucles et en créer de nouvelles, fondées sur la capacité, la confiance et l’intégrité intérieure.


Ce qui rend ces schémas si difficiles à transformer, c’est leur stabilité impressionnante. Ils forment un système d’équilibre toxique, mais étonnamment robuste. Chaque élément nourrit les autres : la croyance alimente la répression du besoin, qui brouille les limites, qui renforce la croyance... Et ainsi de suite.


C’est pourquoi les tentatives de changement partiel échouent souvent. Penser plus positivement ne suffit pas si l’on ne s'occupe pas des besoins réprimés et des limites fragiles. Inversement, poser des limites sans remettre en question les croyances profondes peut vite sembler artificiel ou insoutenable.


Le travail de transformation commence par une prise de conscience : celle que nos boucles ne nous définissent pas. Elles sont construites autour d’une incapacité perçue, et non d’une incapacité réelle.


En revenant en lien avec nos besoins et en testant — petit à petit — notre capacité à y répondre autrement, nous pouvons commencer à défier ces schémas. Il ne s’agit pas de tout changer d’un coup, mais de faire de la place pour une nouvelle expérience.


Voici une approche concrète, en cinq étapes.


1. Identifier l’incapacité perçue

Quelle capacité fondamentale pensez-vous ne pas avoir ? Être aimé tel que vous êtes ? Poser des limites ? Faire des choix valides ? Être compris ?


Posez-vous cette question :

"Qu’est-ce que je crois être fondamentalement incapable de faire ou d’être, contrairement aux autres ?"
2. Questionner l’incapacité perçue

Revenez à l’origine de cette croyance. Demandez-vous :

D’où vient cette idée que je ne suis pas capable ? À quel moment ai-je commencé à penser cela ? Qui me l’a fait croire — explicitement ou implicitement ?
Cherche des contre-exemples concrets : "Quand ai-je été accepté(e) en étant moi-même ?"
Remplace les absolus ("toujours", "jamais") par des nuances : "Parfois..." "Il arrive que..."
Quels sont les moments où je montre cette capacité, même de manière atténuée?
Est-ce qu’il existe des domaines où je montre cette capacité… mais que je ne reconnais pas comme tels ?

Explorer ces questions permet de voir que ces jugements sur soi ne sont pas des vérités absolues, mais des perceptions construites dans des contextes précis. Et souvent, ces perceptions étaient des adaptations face à des environnements dans lesquels il n’était pas possible d’exprimer certains besoins sans coût émotionnel. Il était donc plus sûr de se penser incapable ou indigne de satisfaire ces besoins.


Cette étape est essentielle pour desserrer l’étau de la croyance et ouvrir une brèche à une autre possibilité.


3. Repérer les besoins réprimés

Notez les besoins que cette croyance vous pousse à ignorer ou à éviter. Qu’avez-vous arrêté de réclamer, ou de ressentir comme légitime ?

Puis-je reconnaître que ce besoin est sain, même s’il me fait peur ? Les besoins refoulés sont souvent ceux qui nous ont semblé les plus dangereux à exprimer.
4. Honorer ces besoins à petite dose

Commencez par les reconnaître. Puis, explorez des façons simples de les nourrir, d’abord pour vous-même dans la mesure du possible, puis dans le lien.

Par exemple : écrire sur vos ressentis et besoins pour apprendre à vous connaître, demander de l'aide, poser une question inconfortable, faire une pause sans culpabilité…

Chaque geste qui contredit la croyance crée une faille dans la boucle.


5. Poser des limites progressives

Les limites protègent tes besoins, elles ne punissent pas les autres. Expérimentez avec de petites limites. Choisissez des contextes où le risque émotionnel est faible, et observez ce qui se passe réellement.

Quelles limites ai-je besoin d’assouplir ou de renforcer ?
Puis-je poser une limite avant d’atteindre le point de rupture ?

Ce n’est pas l'importance de la limite qui compte, mais la répétition et la sécurité intérieure que cela construit.


6. Observer l’effet des nouvelles expériences

Chaque fois qu’un besoin est respecté, que votre parole est entendue, ou qu’une limite est acceptée — notez-le. Ce sont des expériences qui viennent démentir votre incapacité perçue.

Vous commencez à accumuler des preuves que la boucle peut se réécrire.

Exemple concret de transformation :
Du cercle vicieux de "je ne mérite pas" au cercle vertueux de la confiance

Cercle vicieux :

  • Croyance limitante : « Je ne mérite pas d’être aidé(e). »

  • Besoins réprimés : je réprime mon besoin de soutient, je n’ose pas demander de l’aide, je porte tout seul.

  • Limites floues : je dis oui à tout, j’accepte trop de responsabilités.

  • Conséquence : je m’épuise, je deviens irritable ou me renferme.

  • Renforcement de la croyance : « Personne ne m’aide, je dois gérer seul. »


Cercle vertueux (à partir d’un petit acte différent) :

  • Micro-expérience : je demande un soutien ponctuel à un(e) ami(e) bienveillant(e).

  • Résultat : je reçois de l’aide sans jugement.

  • Nouveau ressenti : un peu de soulagement, de légitimité.

  • Nouvelle croyance naissante : « Je mérite d'être soutenu(e) »

  • Besoins reconnus : j’ose exprimer davantage mes besoins.

  • Limites plus claires : je refuse certaines sollicitations sans culpabiliser.

  • Renforcement positif : je me respecte, les autres aussi.


Un Nouveau Cercle Vertueux

Ces boucles — entre croyances limitantes, besoins réprimés et limites floues — ne sont pas des preuves qu’on est défectueux. Ce sont des marques de notre intelligence adaptative. Des stratégies anciennes pour survivre dans un monde qui ne nous permettait peut-être pas d’être pleinement nous-mêmes.


Mais aujourd’hui, tu n’as plus besoin de te réduire pour être aimé. Tu n’as plus besoin de fuir pour rester libre. Tu n’as plus besoin de t’effacer pour être accepté.


À chaque fois que tu fais l’expérience de ta capacité, tu renforces l’idée que tu peux répondre à tes besoins autrement.

Capacité reconnue → Besoin exprimé → Limite posée → Besoin respecté → Croyance mise à jour

Et cette boucle-là nourrit la confiance. L’estime. Le lien vrai.


Ce chemin n’est pas linéaire, ni toujours confortable. Mais il est profondément transformateur. Et chaque fois que tu te choisis avec douceur, tu défais un peu plus les fils de la boucle ancienne — et tu tisses une vie plus juste, plus libre, plus vivante.


Commence petit. Commence maintenant. Et rappelle-toi : ce que tu ressens a du sens. Tes besoins comptent. Et tu peux apprendre à te faire confiance, un pas à la fois.


As-tu identifié une boucle qui résonne avec ton vécu ? Si tu te sens prêt(e), je t’invite à partager ton expérience — mettre des mots sur nos schémas est un premier pas pour s'en libérer.

Et si cela a résonné pour toi, j’ai créé un outil de réflexion pour t’aider à explorer ta propre boucle — et commencer à la réécrire.




 
 
 

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